Objet : restructuration du Centre de Ressource Autisme de Liège
Lettre ouverte à
Madame la Professeure Isabelle HANSEZ
Doyenne de la Faculté de Psychologie, Logopédie et des Sciences de l’éducation de l’ULiège,
Monsieur le Professeur Edouard LOUIS
Doyen de la Faculté de Médecine de l’ULiège,
Monsieur le Professeur Yves-Henri LELEU
Doyen de la Faculté de Droit, Science politique et Criminologie de l’Uliège.
Copie adressée au Recteur et à la Vice-rectrice de l’ULiège, à des chercheurs de l’Uliège, au Professeur Mottron, Docteur honoris causa de l’Uliège, au Médecin-Chef et à l’Administrateur délégué du CHU, au Président du Comité d’éthique du CHU, aux CRA, à la ministre des hôpitaux universitaires, à la Vice-présidente du gouvernement wallon, ministre de la santé et de l’égalité des chances, à la secrétaire d’état à l’égalité des chances, à Unia, à la Vice-présidente de la Ligue des Droits humains, au conseil supérieur des hôpitaux universitaires de la FWB, aux rédactions de médias et à des journalistes,…
Madame la Doyenne,
Messieurs les Doyens,
Nous avons appris, via une lettre ouverte de Mme Géraldine Vrancken, neuropsychologue au Centre de Ressource Autisme de Liège (CRAL), ainsi que par voie de presse, la décision de la direction du CHU de ne plus autoriser le CRAL à prendre en charge les adultes. Ceux-ci sont au nombre de 800 sur une liste d’attente qui n’acceptait déjà plus de patients. Le CRAL ayant une capacité diagnostique d’environ 50 adultes par an, l’inaccessibilité de ce service saute aux yeux.
Sans remettre en question la nécessité d’accorder les moyens nécessaires au bilan diagnostic et au suivi des enfants et adolescents, et en refusant d’opposer certaines catégories de population, notre association a interpellé la direction générale du CHU, pour poser la question de la qualité, de la continuité et de l’accessibilité des soins destinés à ces adultes. Soulignons que nous avons aussi exprimé, dans ce même courrier, notre étonnement face aux propos tenus par M. le Médecin-Chef au JT de RTL-TVI, qui suggérait d’expliquer l’augmentation des demandes de bilans diagnostiques par des raisons douteuses et préjudiciables pour les personnes autistes. Nous n’avons à ce jour reçu aucune réponse.
Par ailleurs, vous savez que le CRAL est le seul Centre de Référence en Fédération Wallonie-Bruxelles à accueillir des adultes, le seul à disposer des compétences et de l’expertise nécessaires, et le seul à pouvoir les mettre en œuvre dans le cadre d’une convention INAMI, qui assure l’accès au bilan diagnostic et au suivi à une population largement précarisée.
Au vu des décisions actuelles, cette compétence et cette expertise sont destinées à disparaître, ce qui constituerait un recul significatif alors que la convention des CRA prévoit et permet la prise en charge des adultes, et leur éloignement de ce service ne peut donc lui être imputé.
Les facultés de médecine et de psychologie perdent ainsi un proche partenaire, expert dans l’approche clinique et thérapeutique des personnes autistes, adultes et enfants. Comme l’explique le psychologue M. Di Duca dans une carte blanche récemment parue dans la “Libre Belgique”, le parcours des autistes diagnostiqués à l’âge adulte est une source précieuse d’enseignements pour l’accompagnement des enfants et adolescents. “Les équipes « enfants-adolescents » ont à apprendre des adultes diagnostiqués tardivement. Les ponts entre les professionnels de l’enfance et ceux de l’âge adulte doivent être impérativement soutenus.”
Le Professeur Laurent Mottron, spécialiste mondialement reconnu de l’autisme, et particulièrement de l’autisme sans déficience intellectuelle, recommandait, dès 2004 (“L’autisme, une autre intelligence”, Ed. Mardaga), la création de cliniques spécialisées pour diagnostiquer cette population encore trop mal connue et trop rarement diagnostiquée, avec toutes les conséquences négatives que l’on peine à reconnaître, tant pour les individus, qu’en termes de santé publique. Le Professeur Mottron est devenu Docteur honoris causa de l’Université de Liège en 2019, sur proposition de la Faculté de psychologie.
Il semble donc que l’Université de Liège marque de l’intérêt pour ce domaine trop mal connu des neurosciences, et que l’existence d’un Centre de Référence Autisme accessible à toutes les tranches d’âge ainsi que la présence de professionnels travaillant tant avec des enfants qu’avec des adultes, lui permettait, jusqu’à présent, de se positionner comme un pôle de recherche remarquable. Plusieurs professionnels du CRAL font d’ailleurs partie de l’équipe pédagogique du certificat interuniversitaire en Troubles du Spectre de l’Autisme, répondant ainsi à un autre objectif de la convention CRAL qui est la formation. Formation qui est, nous en sommes convaincus, chère à l’Université et dont l’urgente nécessité découle naturellement du caractère récent et encore peu exploré de ce champ de recherche. Certains pays ont une longueur d’avance sur ce sujet, et il n’est un secret pour personne que l’expatriation du Professeur Mottron au Canada, par exemple, en est la conséquence.
Sur le même sujet, la Ministre Glatigny répondait ce 24 mai 2022 à une question parlementaire concernant la restructuration des activités du CRAL. Elle annonce son intention de mettre à plat les conventions des CRA et de solliciter à cet effet le tout nouveau “Conseil des hôpitaux universitaires”.
Sur base de ces constats, nous espérons, dans un premier temps, qu’une intervention des doyens de faculté incite les gestionnaires du CHU à rechercher des solutions constructives pour accueillir les patients dans une temporalité respectueuse tout en continuant de leur offrir un service au minimum équivalent en qualité et accessibilité(1) que celui qui existait jusqu’à présent. La fermeture d’un service nous apparaît comme un refus de considération aussi choquant qu’absurde. Elle traduit aussi une divergence difficilement compréhensible entre d’une part l’activité de recherche des facultés de l’ULiège et la mise en œuvre – ou l’absence de mise en œuvre en l’occurrence – de ce caractère d’excellence au niveau de l’hôpital universitaire.
À plus long terme, nous formulons le vœu de voir le Conseil des hôpitaux universitaires proposer aux autorités compétentes une approche humaine, cohérente et pragmatique en vue de répondre aux besoins de toutes les personnes autistes, enfants et adultes. Les Facultés de Médecine, de Psychologie, du Langage et des Sciences de l’éducation, devraient avoir leur place dans le débat qui se tient autour de ce vaste chantier et nous tenons à souligner l’importance que nous accordons à leur action et leur avis éclairé.
Nous vous prions d’accepter, Madame la Doyenne, Messieurs les Doyens, l’expression de nos salutations respectueuses.
Autistes Associé.es ASBL
- par accessibilité nous faisons bien entendu référence à la convention INAMI qui permet une prise en charge financière via la Sécurité Sociale, et non aux 16 années de liste d’attente