Ce 19 mai 2022, nous interpellions l’administrateur délégué du Centre Hospitalier Universitaire de Liège.
Bien qu’ayant eu confirmation téléphonique de la bonne réception de notre courriel, nous n’avons à ce jour toujours eu aucune réponse.
Nous posions pourtant des questions précises qui nous paraissent légitimes au vu des changements annoncés concernant l’accès au bilan diagnostic et au suivi pour les adultes, mais également concernant le cadre et le processus diagnostic eux-mêmes. Le CRA Liège a acquis, au fil des années, une expertise et une expérience qui découlent entre autre du fait de la diversité de sa patientèle : enfants, adolescents et adultes, les expériences avec les uns nourrissant celles avec les autres.
Voici ce courrier :
Monsieur l’Administrateur-Délégué,
Nous avons appris, via une lettre ouverte de Mme Géraldine Vrancken, neuropsychologue au CRAL, « la décision [de la direction du CHU] de ne plus autoriser de bilans et de modules de coordination à destination des adultes dans le cadre du Centre de Ressources Autisme de Liège ».
Le CRAL de Liège, le dernier centre en Wallonie à prendre en charge les adultes, se consacrerait ainsi exclusivement aux enfants, privant les adultes de la FWB de la possibilité de faire appel, dans le cadre d’une convention INAMI, à une équipe pluridisciplinaire habilitée à effectuer un bilan et proposer un suivi (coordination).
Sans vouloir faire porter sur les seules épaules du CHU le poids des lacunes dans le domaine, nous constatons que cette décision arrive dans un contexte déjà particulièrement préoccupant, puisque le délai d’attente actuel, de plusieurs années, pose déjà la question de l’accès aux soins, et même de l’accès au diagnostic.
Nous avons de plus été grandement surpris par l’interview donnée par le Médecin-Chef du CHU, le Docteur Gillet, au JT de RTL ce 16 avril 2022 à 19h. Ce dernier évoque, pour expliquer l’augmentation des demandes de bilans diagnostiques, « des phénomènes que l’on connaît bien : le numérique et l’addiction à toute une série de dépendances. On veut tout et tout de suite et cela aboutit à un certain recul des individus qu’on pourrait étiqueter d’autistes ». Ces propos sont non seulement en contradiction avec les statistiques – d’après les chiffres du CRAL, 80 % des personnes venant demander un diagnostic se le voient confirmer – mais sont difficilement acceptables pour les personnes avec TSA, pour lesquelles un diagnostic est une étape sérieuse, qui marque régulièrement la fin d’une longue période d’errance diagnostique. Nous sommes très étonnés de ce message transmis au grand public, d’autant plus surprenant de la part d’une institution comme le CHU de Liège – dont l’Université honorait le Dr. Mottron il y a trois ans, et dont nous espérons que les membres de la communauté scientifique spécialistes du domaine seront associés aux décisions qui vont être prises.
Nous ne cachons pas notre inquiétude quant à l’avenir de ces patientes et patients : comment la continuité des soins sera-t-elle assurée ? Considérant que le CRAL est le seul centre accueillant régulièrement les adultes de la FWB, considérant également que les projections font état de 80 000 personnes concernées en Belgique, considérant que l’accès à des services spécifiques (AVIQ par exemple) est conditionné à un diagnostic officiel, ces questions nous paraissent d’une grande importance, tant pour toutes les personnes en recherche de prise en charge que pour les patient·es diagnostiqué·es qui bénéficient actuellement de la coordination.
Il nous paraît légitime d’obtenir quelques éclaircissements sur les dispositions qui seront prises, premièrement dans l’immédiat :
– le centre continue-t-il d’inscrire de nouvelles personnes sur sa liste d’attente ou les refuse-t-il ?
– les centaines de personnes sur liste d’attente depuis de nombreuses années vont-elles pouvoir accéder à un bilan diagnostic ?
– les patients en cours de coordination vont-ils pouvoir être assurés de la continuité des soins?
– que va-t-il advenir des patients mineurs qui atteignent la majorité?
Deuxièmement, à moyen et long terme, quelles mesures vont être mises en œuvre tant pour assurer une continuité des soins que pour assurer un accès décent à ceux-ci, via une prise en charge par la Sécurité Sociale comme actuellement ?
Enfin, nous ne pouvons qu’encourager votre institution à développer ce pôle d’excellence et tenons à exprimer notre reconnaissance et notre soutien aux membres de la communauté soignante et universitaire dévoué·es à la question des TSA.
Nous vous remercions d’avance de votre considération et vous prions de recevoir, Monsieur De Paoli, l’expression de nos sentiments distingués.
Pour Autistes Associé.es ASBL,